Étude posturale : 2/3
Après une année 2021 riche en rebondissements personnels et sportifs et 7500 km roulés avec bonheur sur un Specialized Venge VIAS Di2 (Venge) pendant environ 1 an et demi. J’ai eu envie de changer et de découvrir une autre marque de vélo.
Le Specialized Venge VIAS est un vélo dont je rêvais depuis sa sortie en 2016. Pour son look, son aérodynamisme poussé à l’extrême, l’intégration parfaite de toute la câblerie et tout le reste. Il faut dire que Specialized à une puissance marketing impressionnante. L’occasion sur laquelle je suis tombé me permettait en plus d’essayer pour la première fois une transmission électronique, dont j’avais un avis très mitigé.
Une autre chose qui m’a persuadé est qu’il était réputé très tolérant malgré ses exigences de performance pure. Cela me convenait puisque je n’ai ni la puissance ni la capacité des cyclistes professionnels.
Je me suis penché vers le marché de l’occasion pour avoir un vélo haut de gamme avec un très bon niveau d’équipement. J’avais déjà sauté le pas avec le Venge, qui était mon premier vélo d’occasion.
Malgré une certaine appréhension, avec quelques précautions, cela s’est très bien passé. J’ai acheté le vélo chez un revendeur Specialized avec facture d’achat initiale. J’ai également appelé le vendeur pour confirmation. Cela n’est pas toujours possible, mais il y a beaucoup de contrefaçons qui sont en circulation, avec plus ou moins d’indications. Le fait est que l’on ne sait jamais vraiment l’entretien et les soins apportés au vélo avant. Il y a quand même beaucoup d’opérations d’entretien que l’on peut faire soi-même sans être un expert.
Armé du rapport de ma première étude posturale et de la géométrie du Venge, je me suis lancé assez confiant à la recherche de mon prochain vélo fin 2021. J’avais déjà une petite liste de vélo un peu « mythique/exclusif » que je voulais essayer.
Gros avantage du marché de l’occasion, le prix de vente de ces vélos neufs est au-delà de 8000 € (jusqu’à 12 000 €) pour obtenir un montage cohérent et homogène.
Les vélos sont les suivants :
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- Pinarello Dogma FX
- Bianchi Oltre XR4
- TREK Madone
- Canyon Aeroad
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Après une première étude posturale qui s’est très bien passée, j’avais prévu d’en refaire une après l’achat du vélo.
Un Bianchi Oltre XR4
Après quelques semaines de recherche, je tombe sur une excellente occasion : un Bianchi Oltre XR4 équipé en transmission électronique (SRAM Red Etap), des roues ZIPP 303 et un poste de pilotage aérodynamique intégré.
SUBLIME ! Le vert céleste est adoré ou détesté, mais une chose est sûre, il ne laisse personne indifférent. De plus, Bianchi est une marque mythique dans le monde du vélo et l’ADN aérodynamique de ce dernier me semble dans la continuité des sensations que j’ai pu avoir avec le Venge.
Sa géométrie est assez proche de celle du Venge.
Sachant que le Venge passe très bien la montagne (avec des roues de 50 mm de hauteur), je suis confiant sur les capacités du Oltre Xr4. J’ai fait quelques sorties en Alsace avec des cols (Ballon d’alsace, grand ballon, col des croix…), dont la terrible Planche des Belles Filles.
Le Bianchi pourrait parfaitement traverser la grande route des Alpes (de Thonon-les-Bains à Menton puis Menton – Nice) prévue début juillet avec mon club.
J’ai tenté de reporter les côtes du Venge dessus avec plus ou moins de succès puis j’ai commencé à rouler avec.
Ce vélo est phénoménal et procure des sensations impressionnantes.
Les centaines de kilomètres défilant, je commence à sentir que quelque chose ne va pas. Tout d’abord, je constate un inconfort de la selle. Je l’échange avec ma selle précédente (Une Specialized S-Works Power), ce qui améliore mon confort.
Je roule avec, mais il y a une gêne persistante sans douleur particulière mais je sens que la position n’est pas optimale.
Pourquoi Altkirsh ?
Il est vrai que l’on trouve de très nombreux centres où l’on peut faire des études posturales en Île-de-France, probablement la région où l’offre est la plus fournie.
Malgré la bonne expérience avec la précédente étude, je me suis dit qu’il fallait trouver un expert de la posture du cycliste.
J’ai trouvé le cabinet d’Altkirsh sur l’excellent blog d’Alban Lorenzini « Cycles et forme ». Dans cet article, il vante les mérites de la double approche Bikefiiting de Shimano + 3DMA cycling.
Son expérience concluante avec Lucas Leblond m’a convaincu de me rendre à Altkirsh. De plus, le fait que des podologues spécialistes du sport exercent au même endroit est un plus qui évitera les allers-retours.
Lucas leblond est entraineur et ergonome en cyclisme et tout le cabinet est dédié au positionnement sportif.
Pérégrinations pour un autre bout de la France ?
Un départ très très matinal de chez moi (4 h 20 du matin) pour me rendre à la gare de l’Est à Paris. Départ du train : 6 h 35. Il faut être motivé ; mais je l’étais.
C’était d’ailleurs l’occasion pour moi de tester une valise achetée spécialement pour l’occasion afin de le transporter en toute sécurité. La EVOC Bike Stand. Les conditions de transport SNCF sont assez aléatoires en fonction du type de train et il vaut mieux protéger son vélo pour éviter tout désagrément.
Un petit périple où j’ai dû prendre bus, train, métro et TER à l’aller. TER, TGV, train et bus au retour. On peut dire que j’ai bien testé la valise pour une première utilisation.
Le voyage se passe bien, arrivé en avance à Altkirsh.
Arrivé au cabinet, mon vélo est pris en charge pour avancer la partie étude posturale. Je me change et c’est parti.
Une étude posturale lourde de conséquences pour moi
Première partie avec le podologue
Je commence par voir le podologue (Nicolas Puechmaille) pour faire quelques examens pour évaluer la nécessité de faire des semelles pour le vélo.
La consultation commence par un entretien sur mes antécédents, mes douleurs, mes pratiques sportives. En complément du vélo, j’essaie de pratiquer la course à pied et j’avais apporté mes chaussures pour l’occasion.
À la suite d’un examen statique pour évaluer ma souplesse, ma posture puis un test dynamique (marche et course sur tapis) pour étudier la posture globale, mais aussi le mouvement des pieds, des genoux et des hanches en mouvement.
Sans surprise, j’aurais besoin de semelles. J’en ai porté durant toute mon enfance, cela ne m’étonne pas. Je me fais la réflexion que je devrais peut-être retourner voir un chirurgien orthopédique après + 10 ans sans suivi.
Ce n’est qu’à la suite de tout cela que je monte sur un appareil (une plateforme podométrique) qui évalue les surfaces du pied en contact avec le sol, la répartition des charges et des appuis.
Avant la réalisation des semelles, des tests itératifs successifs permettent à Nicolas d’évaluer la compensation nécessaire au sol en manipulant le bassin et en vérifiant en mouvement comment la semelle améliore l’équilibre postural.
Cette étape prend du temps. Je n’ai pas calculé le temps, mais on sent que Nicolas est passionné et prend le temps de trouver la correction idéale et il faut avouer que cela fait du bien. Après une compensation jugée satisfaisante, Nicolas prépare les semelles et en attendant je passe à la partie « Étude posturale »
Un choc énorme, mais une lueur d’espoir ?
Ce qui me frappe en entrant dans la pièce, ce sont les 4 caméras placées au plafond à chaque coin. Mon vélo est monté et placé sur un home-trainer et n’attend que moi.
Comme pour la précédente étude posturale, un examen sur mes antécédents, ce que je souhaite avec l’étude et la prise de mesures anatomiques. Suivi d’un examen sur une table afin d’évaluer mes limitations physiques (souplesse, angle des hanches, capacité de rotation des jambes, etc.).
Première surprise, la prise de la longueur de l’entrejambe : 98/99 Cm… Je n’avais jamais réalisé qu’elle était aussi importante. Je mesure 1,88 m.
Lucas me fera refaire la mesure 3 fois pour être sûr. Me demandant de garder les pieds bien à plat.
Autant dire que c’est énorme. Je connais des cyclistes bien plus grands que moi en taille (1,95 m) avec un entrejambe beaucoup plus réduit (~90 cm).
Après avoir pris d’autres mesures, il me montre le résultat : du rouge partout => je suis morphologiquement hors-norme.
Le vélo est trop petit
Au bout d’environ 10 minutes, Lucas me dit que le vélo est trop petit et que les ajustements nécessaires seront impossibles à effectuer même en « bricolant » les différents périphériques du vélo (potence relevée par exemple)
La nouvelle est difficile à encaisser car j’ai acheté le vélo il y a 33 jours. Je n’ai roulé que 830 kilomètres avec et malgré la très bonne affaire que j’ai faite, cela représente une somme assez conséquente.
J’encaisse difficilement la nouvelle et tout d’un coup une partie de mon monde s’effondre.
Le point positif est que Lucas me montre à l’écran ce qui ne va pas, pourquoi cela ne va pas et comment cela affecte ma pratique du vélo.
J’ai toujours eu plus ou moins une sensation de bridage quand je faisais du vélo sans que je ne puisse expliquer pourquoi. Soudain, je comprends d’où viennent les douleurs et les gênes que j’ai pu ressentir.
La différence de hauteur entre la selle et le poste de pilotage « ferme » l’ouverture du bassin et des hanches et réduit grandement le mouvement des cuisses. Ainsi, la puissance transmise au vélo est réduite. En plus de cela, les jambes font une rotation ovale en compensant le mouvement. Cela fait travailler les articulations de façon importante et « anormale ».
Cela provoque des douleurs, une fatigue prématurée et le fait d’avoir la sensation de se battre avec le vélo par moments.
Le mouvement parfait des genoux serait une ligne verticale, j’en suis très loin et cela explique les douleurs ressenties.
Les mouvements du bassins sont également trop importants.
Le premier espoir vient de Nicolas qui apporte les semelles fraîchement réalisées que je teste et l’amélioration est flagrante et présage une très grosse marge de progression possible. Mon bassin est stabilisé et le mouvement des jambes meilleur et plus efficace.
Il fera plusieurs ajustements des semelles durant l’après-midi et peaufinera leur position dans les chaussures.
C’est un soulagement d’avoir été pris en charge par deux professionnels qui m’ont accompagné tout au long du processus afin de résoudre mon problème. Au-delà de la maitrise technique et du professionnalisme, le côté humain est bien présent.
Après discussion, Lucas me propose de continuer sur le vélo de fitting afin que l’on puisse évaluer ce qu’il est possible de faire, mais aussi améliorer ma configuration actuelle même si elle n’est pas optimale. Tout cela dans le but d’anticiper l’achat de mon futur vélo idéal.
Au fil des ajustements sur le vélo de fitting, les effets des corrections sur les mesures à l’écran sont impressionnants. Le rééquilibrage est visible et je le ressens sur le vélo.
La puissance mesurée pour chaque session de test augmente à chaque réglage malgré ma fatigue relative de la journée. Chaque session se décompose en deux : un pédalage en force avec une cadence basse et un autre avec une cadence plus élevée [~90 de cadence] sur la même durée. Le processus est itératif avec une comparaison avec les valeurs initiales et celles de la précédente session.
Lucas règle mes cales qui étaient à l’opposé de ce qu’elle devait être [toujours illustré à l’écran et avec des explications sur les chiffres].
Impossible de faire la traversée des Alpes dans de bonnes conditions en l’état. Les risques de blessures seraient importants. Et la position aurait été très désagréable, voire handicapante, sur la durée. Les efforts à la montagne sont très différents et exigeants pour l’organisme.
Les chaussures ne sont pas optimales
Cela fait plusieurs années que j’utilise des Specialized S-Works 6 par tout temps. Elles sont très confortables. De supers chaussures en plus d’être belles (avis subjectif).
Malheureusement, les cales ne peuvent être positionnées correctement sur le support et cela engendre une perte importante de puissance transmise au vélo.
La cale n’étant pas centrée par rapport au point d’appui où la puissance est maximale.
Je n’imaginais pas cela possible. Que les chaussures [et leur marque] influaient la puissance transmise au vélo [hormis la rigidité de la semelle]. Ayant une semelle en carbone très rigide [la plus rigide de la gamme Specialized à l’époque], je ne m’étais jamais posé la question. Il m’était impossible de le savoir.
Une telle information ne m’a pas été transmise non plus lors de la précédente étude posturale.
Lucas me conseille de me tourner vers Shimano qui offre une surface de réglage beaucoup plus importante. Certainement la plus grande du marché mais uniquement disponible sur la chaussure haut de gamme (Shimano RC 9)
La différence entre les deux semelles est flagrante.
La difficulté de trouver un vélo convenable
J’ai une morphologie atypique et trouver un vélo qui correspondra à la longueur d’entrejambe importante qui sort des standards du rapport taille/EJ s’annonce compliqué.
Lucas m’annonce que cela pourrait être impossible. Parfois, il vaut mieux s’attendre au pire, ça ne fait que de bonnes surprises par la suite.
Le Bianchi en T61 serait trop petit. La taille 61 chez Specialized ne convient pas non plus. Dans le cas où je devrais trouver un Specialized Venge ou passer au Specialized Tarmal SL.
Peu de marque de vélo proposent un vélo adapté et la plupart des guide de taille annonce la couleur.
Trouver un vélo à ma taille, mais à patins
L’autre difficulté de l’opération est le fait que je souhaite conserver le freinage à patins sur mon prochain vélo.
Vous n’êtes pas sans savoir que depuis quelques années les patins ont complètement disparu du paysage des marques principales, notamment les équipes professionnelles (les derniers étant l’équipe INEOS Grenadiers en 2021.)
Les patins sont désormais relégués aux gammes les plus basses, seule 1 marque continue à proposer de très rares cadres à patins haut de gamme : Pinarello. D’autant plus rare et cher depuis la pénurie.
Je ne souhaite pas faire de polémique Patins VS Disques, sujet âprement débattu partout et par tous, mais je vais simplement exprimer mon point de vue.
Le freinage à disque dans l’absolu est plus efficace et cela fait que les roues ne sont plus un « consommable », mais :
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- Je roule toute l’année y compris dans les pires conditions (pluie battante l’hiver) et je n’ai jamais eu de frayeur due au freinage inefficace. Le freinage sur jante carbone est très efficace si l’on a une bonne paire de roues associée aux bons patins.
- Le freinage à patins a eu une évolution majeure il y a environ 10 ans : le freinage « Direct Mount ».
Depuis que j’ai eu entre les mains ce freinage, cela a complètement changé ma vision des patins. Le freinage étant très fort, cela demande un temps d’adaptation. - J’ai déjà tout mon matériel lié aux patins, notamment des roues assez chères. Hors de question de tout brader et tout racheter en disque.
- Sans être très adroit ni un grand descendeur, je n’ai pas besoin de me sentir plus en sécurité en descente et je ne suis pas crispé sur les manettes de frein. Les disques se voilent et nécessite du consommable plus couteux que les patins.
- Même si en soi l’entretien du freinage à disque n’est pas particulièrement exorbitant (1 purge par an), les disques demandent des précautions supplémentaires lors du transport.
- Les premières générations de disques/plaquettes étant bruyants, cela pouvait être dérangeant. Mais ce point s’améliore grandement au fil du temps.
- Les nombreux standards et la complexité au démontage plus importante.
- Le coût du changement peut être très important. Les prix de tout ce qui concerne le vélo ont flambé violemment depuis 2020. Les consommables sont toujours hors de prix par rapport à l’avant-crise COVID. Entre l’arrivée des vélos à disque, les évolutions technologiques et les pénuries, le prix des vélos est passé dans une autre dimension. Les délais pour avoir un vélo sont parfois proches de l’année et demie.
Pour être totalement transparent, je n’ai jamais vraiment utilisé un vélo à disques, je ne suis pas totalement contre, mais je n’y trouve pas mon intérêt pour le moment.
Par ailleurs, je trouve dommage le changement à marche forcée de l’industrie sur ce sujet. Mais ça, c’est une autre histoire.
Fin de la parenthèse.
Beaucoup d’incertitudes, de grands changements et beaucoup de dépense à venir
Le début d’une nouvelle aventure ?
Je repars de Arltkirch complètement déboussolé avec le sentiment que le ciel est en train de me tomber sur la tête.
Bien que Lucas ait laissé une porte ouverte, je sais que la suite va être compliquée (trouver un vélo, racheter les accessoires, etc.).
Même si j’ai tendance à me dire que c’est une catastrophe, d’un autre côté le potentiel d’amélioration est énorme.
Quand je vois l’amélioration de tous les chiffres obtenus avec le vélo de fitting et le confort ressenti, cela promet des années sans aucun souci tout en me permettant d’évoluer dans ma pratique.
Je dois avouer que même si je savais que faire une étude posturale était grandement bénéfique, je ne pensais pas qu’elle pouvait avoir réellement de si grandes conséquences. D’autant plus que j’en avais fait une auparavant.
Trouver le bon professionnel ?
L’offre est très abondante et il y a pléthore de professionnels délivrant des études posturales de qualité et de précisions diverses.
Je ne remets pas en cause les compétences et le savoir-faire des professionnels ayant reçu une formation, car il y en a d’excellents et j’ai pu profiter de ma première étude posturale longtemps.
Cela conviendra parfaitement à la majorité des cyclistes avec une morphologie dans la norme.
Mais force est de constater que dans mon cas particulier, j’ai eu une excellente intuition quand je me suis résolu à traverser la France pour consulter un expert.
Il en est de même pour la partie podologie, un podologue spécialisé dans la pratique du sport aura un œil plus averti et une correction plus adaptée si cela est nécessaire.
Je ne saurais que trop conseiller à chacun de faire une étude posturale. De nombreux cyclistes ne sont pas parfaitement posés leur vélo et ont des douleurs diverses.
3 réponses sur “Altkirch : un temple de la posture du sportif”