Quand la Passion Devient Obsession : Comprendre et Gérer l’Addiction au Sport.

Trouver l’Équilibre : Entre Amour du Cyclisme, passion et Dépendance

Nota Bene : les petits numéros présents renvoient vers une publication scientifique que vous trouverez à la fin de l’article.

L’engouement pour le sport, et plus particulièrement pour le cyclisme, est souvent célébré comme une quête de bien-être et de dépassement de soi. Cependant, lorsque la passion franchit la ligne subtile vers l’obsession, elle peut se transformer en une addiction au sport, un phénomène moins connu (ou plutôt moins connoté négativement), mais tout aussi réel que d’autres formes de dépendance. Cette addiction, souvent masquée sous le voile de la détermination et de la discipline, peut avoir des conséquences significatives sur la santé physique et mentale.

L’addiction au sport est définie par les chercheurs comme un besoin compulsif de pratiquer une activité physique. Menant à des comportements extrêmes dans la poursuite de l’exercice, au détriment d’autres aspects de la vie (Hausenblas & Downs, 2002)1. Contrairement à l’exercice régulier, qui est bénéfique pour la santé, l’addiction au sport se caractérise par une dépendance et une obsession qui peuvent entraîner des blessures, de l’épuisement et des troubles psychologiques.

Des études montrent que l’addiction au sport est souvent accompagnée de symptômes de sevrage, tels que l’anxiété et l’irritabilité, lorsque l’individu est empêché de pratiquer son activité (Szabo & Griffiths, 2007)2. De plus, cette addiction peut être liée à des troubles de l’image corporelle et à des troubles alimentaires, soulignant l’importance de reconnaître et d’aborder ce problème (Berczik et al., 2012)3.

L’étude intitulée « Prevalence of Risk for Exercise Dependence : A Systematic Review » 3 examine la prévalence de la dépendance à l’exercice physique dans différentes populations. La dépendance à l’exercice est caractérisée par un besoin excessif ou compulsif de pratiquer une activité physique. Au point où cela peut entraîner des conséquences négatives sur la santé, les relations sociales et les autres aspects de la vie d’une personne.

Il est crucial de distinguer un engagement sain envers le sport et une addiction. Un engagement sain se caractérise par un équilibre entre le sport, les loisirs, les relations sociales et les responsabilités professionnelles. En revanche, l’addiction se manifeste par une priorisation excessive du sport, souvent au détriment des autres aspects de la vie.

Dans ce contexte, il est essentiel de sensibiliser à l’addiction au sport, de reconnaître ses signes et de fournir des stratégies pour gérer cette condition. En abordant ce sujet, nous pouvons aider ceux qui sont confrontés à cette addiction à trouver un équilibre plus sain, permettant ainsi au sport de reprendre sa place comme une source de joie et de bien-être.

Bien-être et sérénité

Plutôt que de devenir une source de stress et de problèmes de santé.

Inutile de préciser que les troubles addictifs sont des maladies multifactorielles qui doivent être soignées.

Préambule : Comment gérer son addiction au sport ?

Je dois vous avouer que j’ai hésité à écrire cet article, car il m’a mis en face de ma propre réalité. J’ai en quelque sorte (re) pris en pleine figure ma propre addiction au vélo. J’ai bien conscience de cette addiction et j’estime la gérer.

Bien sûr, vous pourriez penser (et me dire) que toutes les personnes victimes d’une addiction pensent la gérer et contrôler la situation. Et que vivre dans le déni d’une perte de contrôle est un des signes d’une addiction. C’est vrai. C’est pour cela que je parlerais de ma propre expérience de façon transparente et sincère dans tout au long de l’article plutôt que de faire un pavé dédié en fin d’article.

Je pense qu’au-delà de l’addiction en elle-même, il y a une certaine nuance à prendre sur certains sujets et une forme de flexibilité.

En effet, nous n’avons pas tous la même sensibilité par rapport au sport et à la vie de façon générale et il faut accepter sans jugement les points de vue d’autrui

L’Addiction au Sport

De nombreux facteurs caractérisent l’addiction au sport. Je dirais que l’un des signes les plus parlants est que l’on devient prisonnier de sa pratique sportive.

Chaines et prison

Critères Diagnostiques

Bien qu’il n’existe pas de critères diagnostiques universellement acceptés pour l’addiction au sport, plusieurs chercheurs ont proposé des caractéristiques clés pour l’identifier. Ces critères incluent :

Priorisation de l’Exercice

L’exercice devient la principale priorité de la vie de l’individu, souvent au détriment d’autres activités et responsabilités.

Augmentation de la Tolérance

Nécessité d’augmenter la fréquence, la durée ou l’intensité de l’exercice pour ressentir les mêmes effets ou satisfactions.

Symptômes de Sevrage

Expérience de symptômes négatifs tels que l’anxiété, l’irritabilité ou la dépression lors de la réduction ou de l’arrêt de l’activité physique.

Incapacité à Réduire l’Exercice

Échecs répétés dans les tentatives de contrôler ou de réduire la pratique de l’exercice.

Continuer malgré les Problèmes

Persistance de l’exercice excessif malgré la connaissance des problèmes physiques, psychologiques ou sociaux qu’il engendre.

Finalement, ce sont les mêmes critères pour les sujets auxquels on pense directement avec le mot « addiction » comme les drogues. Mais contrairement à ce que l’on pense, le schéma pour toutes les addictions est sensiblement le même.

Et de nouvelles addictions sont apparues avec la technologie : écrans, réseaux sociaux, etc. avec leur lot de drames.

L’exposition excessive aux écrans est de plus en plus reconnue comme ayant des effets néfastes sur le développement physique, cognitif et émotionnel des enfants. 4

Des études ont montré que le temps passé devant les écrans peut être associé à des problèmes tels que l’obésité, des troubles du sommeil, une diminution des capacités cognitives et linguistiques, ainsi que des symptômes de dépression et d’anxiété chez les enfants et les adolescents. 5

La gestion du temps d’écran est donc devenue une préoccupation majeure pour les parents, les éducateurs et les professionnels de la santé.

Les critères sont très généraux et on se rend compte que l’on peut vivre ça sans que ce soit un problème. Il faut donc prendre cela avec des pincettes.

Par exemple, c’est un peu normal d’augmenter durée et intensité dans le temps. D’autant plus si nos objectifs sont croissants. Le vélo est un sport cruel et on perd très rapidement ce que l’on a mis des semaines, des mois voire des années à acquérir en termes de capacités physiques et de forme.

Ce n’est pas vraiment dans l’ordre des choses de réduire l’exercice. L’idée c’est plutôt de ne pas devenir invivable parce qu’on aurait loupé une sortie.

Distinction entre Passion Saine et Addiction

Il est crucial de distinguer une passion saine pour le sport de l’addiction. Une passion saine est caractérisée par un engagement équilibré où le sport enrichit la vie sans la dominer. Les individus peuvent s’entraîner intensément et régulièrement tout en maintenant des relations saines, en respectant leurs obligations et en écoutant leur corps pour éviter les blessures.

En revanche, l’addiction au sport se caractérise par une perte de contrôle sur la pratique sportive, où l’individu continue de s’entraîner malgré les conséquences négatives. Cette obsession peut conduire à des comportements extrêmes, tels que s’entraîner plusieurs fois par jour ou ignorer les blessures pour ne pas interrompre l’entraînement.

Compréhension Psychologique

Sur le plan psychologique, l’addiction au sport peut être liée à des besoins non satisfaits, tels que l’estime de soi, le contrôle ou l’évasion de problèmes personnels. Pour certains, l’exercice devient un moyen de gérer le stress, l’anxiété ou la dépression, mais lorsqu’il est pratiqué de manière excessive, il peut avoir l’effet inverse et exacerber ces problèmes.

Facteurs de Risque

Plusieurs facteurs peuvent augmenter le risque de développer une addiction au sport, notamment :

Traits de Personnalité

Les individus perfectionnistes ou ayant une forte tendance à l’anxiété peuvent être plus susceptibles de développer une addiction au sport.

Selon certains psychiatres et addictologues, certaines personnes seraient plus enclines à l’addiction que d’autres. 6

Un livre pertinent : « The Addictive Personality: Understanding the Addictive Process and Compulsive Behavior » par Craig Nakken. Dans cet ouvrage, Nakken explore les traits de personnalité et les facteurs psychologiques qui peuvent rendre certaines personnes plus susceptibles de développer des comportements addictifs, que ce soit lié à des substances ou à des comportements comme l’exercice physique.

Influences Sociales et Culturelles

La pression sociale pour être en forme ou réussir dans un sport peut contribuer à l’addiction. On peut citer les injonctions à être mince et musclé, les « summer body » et autres tendances largement relayées par les magazines (notamment féminin). Et les régimes à faire à tout va pour garder la ligne.

Pourquoi les régimes ne fonctionnent pas ? la réponse ICI

Il en va de même pour les fameuses résolutions que l’on devrait absolument prendre en début d’année. Cela peut générer une pression sociale qui n’est pas bénéfique pour certains.

Antécédents de Troubles

Les personnes ayant des antécédents de troubles alimentaires ou d’autres addictions peuvent être plus à risque. Le sport peut remplacer une précédente addiction jugée plus nocive comme le tabac.

Le sport à une bonne image dans notre société.

L’addiction au sport est un phénomène complexe qui nécessite une compréhension nuancée pour être identifiée et gérée efficacement. Reconnaître la différence entre une pratique sportive saine et une addiction est essentiel pour promouvoir un mode de vie équilibré et préserver le bien-être physique et mental.

Reconnaître les Signes de l’Addiction

Identifier les signes de l’addiction au sport est crucial pour intervenir avant que les conséquences négatives ne deviennent graves. Voici les principaux indicateurs à surveiller.

Ignorer les Blessures et la Fatigue

Les personnes souffrant d’addiction au sport continuent souvent de s’entraîner malgré les blessures, la douleur ou la fatigue extrême. Cette négligence peut aggraver les blessures existantes et en provoquer de nouvelles, entraînant un cercle vicieux de dommages et de récupération insuffisante.

Je pense que c’est un des signes majeurs d’une addiction incontrôlable. Il est très important de résoudre les problèmes et de préserver notre corps. Le sport est excellent jusqu’au moment où il entraîne des dégâts physiques et psychologiques.

Un Exemple ? Un cycliste addict pourrait ignorer une tendinite au genou, augmentant ainsi le risque de dommages à long terme.

Il est très important d’y aller progressivement pour laisser le temps a l’organisme de récupérer et capitaliser les entraînements. Il faut aussi utiliser du matériel adapté à sa morphologie, à sa forme physique et à la pratique sans se concentrer uniquement sur les performances supposées d’une position ou de matériel en particulier. Le confort est synonyme de performance.

Il ne faut pas hésiter à faire une étude posturale par exemple pour ne pas avoir de douleurs ou blessures. En dehors des douleurs liées à l’exercice, toutes les autres sont un message d’alerte ; surtout quand ça concerne des articulations comme le genou.

Priorité Excessive au Sport

L’exercice prend une place disproportionnée dans la vie de l’individu, souvent au détriment des relations familiales, amicales et professionnelles. Les activités sociales, les loisirs et même les obligations importantes peuvent être négligés au profit de l’entraînement.

Il faut se poser la question de ce que l’on entend par « disproportionné ». Il ne faut surtout pas que les activités sociales aillent à l’encontre du ses objectifs de vie ou des efforts que l’on met en place pour améliorer sa vie et sa santé. Il se peut que les activités que l’on vous propose ne soient pas compatibles avec votre désir de changement.

Certaines personnes ne vous aideront pas non plus à vous améliorer. J’en parle de l’article : « les 3 livres qui ont changé ma vie »

Pile livres pratiques
Pile livres pratiques

Exemple : Annuler des rendez-vous sociaux ou prendre des jours de congé au travail exclusivement pour s’entraîner.

Personnellement, je refuse la majorité des sorties « bars » que l’on me propose, car elles ne sont pas compatibles avec mon mode de vie, la pratique du vélo et mon alimentation générale. C’est compliqué d’être physiquement en forme après une soirée alcoolisée et une nuit courte. Je préfère maintenir des habitudes qui me permettent de pratiquer du sport et qui s’inscrivent dans mes objectifs sur le long terme.

Pour les jours de congés, j’en prends à la fin de l’année pour faire la Rapha Festive. Le reste de l’année, les congés peuvent coïncider avec des objectifs vélo. Comme cela a été le cas pour faire « les cinglés du mont Ventoux »  

Sentiments de Culpabilité ou d’Anxiété en Cas d’Absence d’Entraînement.

L’incapacité à s’entraîner, même pour une courte période, peut provoquer une anxiété intense ou un sentiment de culpabilité chez les personnes souffrant d’addiction au sport. Cette réaction émotionnelle est souvent disproportionnée par rapport à l’importance réelle de l’entraînement manqué.

Exemple : Ressentir une anxiété écrasante ou une grande déprime pour avoir manqué une seule séance d’entraînement.

Cela m’arrive de ressentir un sentiment de culpabilité pour avoir manqué des séances, mais cela reste passager. Je n’en ai jamais souffert pour le moment, mais c’est vrai que certaines choses ne sont pas satisfaisantes par rapport au sport. Dans ces cas, je me dis que j’aurais été mieux sur mon vélo.

Tolérance Accrue

Comme pour d’autres formes de dépendance, l’addiction au sport peut entraîner une tolérance, où il faut constamment augmenter la durée, la fréquence ou l’intensité de l’exercice pour atteindre les mêmes effets ou niveaux de satisfaction.

Exemple : Augmenter l’intensité et le nombre d’entraînements pour ressentir le même « high » lié à l’exercice.

C’est malheureusement vrai. Je vis une certaine dépendance physique au sport et j’ai besoin de ma dose hebdomadaire pour me sentir bien. C’est vrai que pendant les sorties difficiles et après les sorties intenses, le corps sécrète des hormones « du bonheur » et d’autres contre la douleur physique. Cela met dans un état de plénitude et de satisfaction qui me fait me sentir comme sur un nuage.

Cela fait que l’on augmente la durée et l’intensité, mais d’un autre côté, cela va généralement avec l’amélioration de nos capacités physiques et nos objectifs.

Je vois cela comme une forme de récompense naturelle pour la difficulté que l’on rencontre sur le vélo, mais ça peut devenir problématique.

Conflits et Problèmes Relationnels

L’obsession de l’exercice peut conduire à des conflits avec la famille, les amis ou les collègues, en particulier lorsque l’individu annule des engagements ou néglige ses relations au profit de l’entraînement.

Exemple : Des disputes fréquentes avec le partenaire ou la famille concernant le temps consacré à l’entraînement par rapport au temps passé ensemble.

Je ne pourrais prodiguer de conseils sur ce point, mais il ne faut pas que le sport se pratique au détriment de sa vie de famille. Ou en tout cas le faire sans conflit autant que faire se peut. Bien entendu, il y a forcément des sacrifices à faire pour les athlètes professionnels par exemple.

Isolement Social

L’addiction au sport peut mener à un isolement social, car on peut préférer passer du temps seul à s’entraîner plutôt qu’avec d’autres. Cela peut réduire les interactions sociales et augmenter les sentiments de solitude.

Exemple : Préférer de longues sorties à vélo en solo pendant le week-end plutôt que des activités de groupe ou familiales.

Un peu de nuance : cela dépend des activités. Le sport isole en partie de son entourage qui ne pratique pas la même activité. Il y a de nombreux moyens de casser l’isolement comme s’inscrire à un club et trouver des relations avec qui on peut pratiquer. Aujourd’hui, il y a de nombreux moyens de ne plus rester seul.

Group cyclists
Group cyclists

C’est une des erreurs que j’ai identifiées dans l’article : « Les 10 erreurs des cyclistes débutants »

Utilisation de l’Exercice comme Mécanisme d’Échappatoire

L’exercice peut être utilisé de manière malsaine comme un moyen d’échapper à des problèmes personnels, émotionnels ou professionnels, plutôt que de les affronter directement.

Exemple : Utiliser des séances d’entraînement intensives pour éviter de faire face à des problèmes relationnels ou professionnels.

Et la bigorexie ?

Vous avez peut-être déjà vu ou entendu ce mot mis en lumière ces dernières années.

La bigorexie, également connue sous le nom de dysmorphie musculaire ou « syndrome/complexe d’Adonis », est un trouble psychologique caractérisé par une obsession pour le développement musculaire et une image corporelle déformée. Les personnes atteintes de bigorexie sont souvent insatisfaites de leur apparence, se percevant comme insuffisamment musclées ou maigres, même si elles sont très développées musculairement. Cette obsession peut les amener à consacrer un temps excessif à l’entraînement physique, à l’alimentation et à la récupération, tout en utilisant parfois des suppléments ou des substances pour améliorer leur performance ou leur apparence musculaire.

La bigorexie partage certaines caractéristiques avec l’addiction au sport, notamment l’obsession et la compulsion à s’engager dans des activités liées au fitness. Elle se distingue par son accent spécifique sur l’apparence musculaire plutôt que sur la performance sportive ou l’endurance. Les personnes atteintes de bigorexie peuvent également éprouver de l’anxiété, de la dépression et des problèmes sociaux en raison de leur obsession.

Bigorexie

Ce trouble peut avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale, notamment des blessures dues à un entraînement excessif, des troubles alimentaires, des problèmes de santé liés à l’utilisation de stéroïdes anabolisants ou d’autres substances dangereuses. Ainsi qu’une détérioration de la qualité de vie. La prise de conscience et le traitement de la bigorexie nécessitent souvent une approche multidisciplinaire, incluant un soutien psychologique, une thérapie comportementale et, dans certains cas, une intervention médicale.

Un sujet complexe

Reconnaître ces signes chez soi ou chez quelqu’un d’autre est la première étape pour aborder l’addiction au sport. Il est important de chercher de l’aide professionnelle pour évaluer la situation et élaborer un plan de gestion adapté.

Veale7 explore la question de l’existence de la dépendance primaire à l’exercice, en distinguant entre l’exercice en tant que comportement addictif en soi et l’exercice compulsif en tant que symptôme d’un autre trouble psychologique.

La frontière peut être floue et la caractérisation dépendra de chaque personne, de sa psychologie et de sa pratique du sport.

Freimuth et al.8 discutent de la clarification de l’addiction à l’exercice, y compris le diagnostic différentiel, les troubles co-existants et les phases de l’addiction, fournissant un cadre pour comprendre la complexité de ce trouble.

On peut avoir des traits se rapprochant d’une forme de l’addiction sans que ça ne le soit et sans que ce soit problématique.

J’ai moi-même été irascible à une époque quand je manquais de sport. Au point que mes amis me disaient d’aller faire du vélo quand ils sentaient que je n’étais pas dans mon état normal. Je suis passé plusieurs fois par des périodes de sevrages plus ou moins violentes quand je n’ai plus pu faire de vélo. Cela m’est arrivé la première fois quand j’ai dû quitter mon île natale pour poursuivre des études universitaires.

J’estime être plus ou moins sevré et je gère relativement bien le manque de sport. En revanche, difficile de s’occuper du manque physique. Après environ 15 jours sans vélo, je ressens un manque physique avec des douleurs aux jambes similaires à celle que je pourrais avoir après une sortie. Par la suite, j’ai du mal à dormir, je me sens triste et déprimé et il me manque quelque chose.

Pour ce qui est de l’avis extérieur de notre pratique sportive, il faut prendre du recul par rapport aux personnes qui nous disent que l’on est accro ou que l’on fait trop de sport.

Trop par rapport à qui ou à quoi ? La vraie question à se poser serait de se demander s’il y a des inconvénients et effets néfastes.

Ce que je vais écrire est sans jugement ; je pense que chacun peut choisir la façon dont il veut vivre. Dans tous les cas, chacun paie les conséquences ou profite des bénéfices.

C’est difficile à comprendre pour moi qui n’envisage pas une vie sans activité sportive, mais de nombreuses personnes ne font aucune activité physique. Cela peut s’accompagner d’une alimentation peu équilibrée, d’habitudes de vie sédentaire (écrans, etc.) et de divertissements discutables quand cela est une habitude (soirées alcoolisées notamment). Les conséquences à long terme peuvent être importantes.

Dans mon cas, je fais environ 8 à 10h de sport hebdomadaire. C’est selon mon point de vue assez peu, mais honorable. Les triathlètes peuvent s’entraîner plus de 20h par semaine avec toutes les disciplines et je ne parle même pas des athlètes professionnels.

Ce volume hebdomadaire paraîtra vraiment trop pour quelqu’un qui ne pratique pas du tout de sport. Tout est une question de perspective et de référentiel.

Il faut se demander si les personnes qui nous disent cela vont dans la direction que l’on souhaite prendre et si les remarques sont constructives. De façon générale, il faut écouter les conseils de personnes qui sont là où on veut se rendre dans notre parcours de vie ou qui sont sur le même chemin. La lecture du livre « l’effet cumulé » de Darren Hardy m’a donné une claque. Ne laissez pas vos bonnes résolutions se faire saboter.

Il ne faut cependant pas ignorer de bons conseils qui mettent le doigt sur des problèmes. Cela a été mon cas pour ma seconde étude posturale. Je m’étais résolu à arrêter le vélo si une solution n’avait pas été trouvée. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que mon addiction était modérée et contrôlée. Je dois quand même avouer que cette possibilité m’a plongé dans une profonde tristesse et que j’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête.

Le Bianchi prêt à passer à la suite : l'étude posturale.
Le Bianchi prêt à passer à la suite : l’étude posturale.

On m’a déjà dit que j’en faisais trop, que je m’investissais trop, que ce n’était pas normal de vouloir toujours en faire (beaucoup) plus chaque année. Il paraît que je me prive trop et que je ne profite pas de la vie suffisamment, mais certains chemins mènent vers la ruine physique et des problèmes de santé.

Dans la mesure où 40 % des cancers sont évitables, car liés aux habitudes de vie, que de nombreuses maladies sont liées plus ou moins directement à notre alimentation… J’estime qu’une certaine forme de privation est salutaire. J’adore les chips, la bière, le vin, la charcuterie et le fromage (etc.), mais je ne vais pas écouter systématiquement mes envies.

Causes et Conséquences de l’Addiction au Sport

Comprendre les causes sous-jacentes et les conséquences de l’addiction au sport est crucial pour aborder ce problème de manière efficace. Cette partie explore les facteurs psychologiques, sociaux et biologiques qui peuvent contribuer à l’addiction, ainsi que les impacts sur la santé physique et mentale.

Causes de l’Addiction au Sport

Facteurs Psychologiques :

Estime de soi et Identité

Pour certains, la performance sportive est étroitement liée à l’estime de soi et à l’identité personnelle. L’addiction peut naître de la quête d’une amélioration constante pour maintenir ou rehausser cette estime.

Troubles Comorbides

Des troubles tels que l’anxiété, la dépression ou les troubles alimentaires peuvent coexister avec l’addiction au sport, chacun alimentant et exacerbant l’autre.

Gestion du Stress

L’exercice physique est un moyen très efficace pour gérer le stress. Il peut aussi être utilisé comme un moyen de s’échapper de problèmes personnels. Cela peut conduire à une dépendance lorsque les individus s’appuient de manière excessive sur l’activité physique pour faire face à leurs émotions.

Influences Sociales et Culturelles :

Pression Sociale et Normes Culturelles

Dans une société qui valorise la minceur, la forme physique et la performance sportive, la pression pour se conformer à ces idéaux peut contribuer à l’addiction au sport.

Communautés et Réseaux Sociaux

L’appartenance à des groupes ou des communautés sportives, tant en ligne que hors ligne, peut renforcer les comportements addictifs, surtout lorsque la valeur est placée sur l’extrême dévouement et la performance.

Facteurs Biologiques :

Récompenses Neurochimiques

L’exercice physique libère des endorphines et d’autres substances chimiques dans le cerveau, procurant une sensation de bien-être. La poursuite de cette « euphorie de l’athlète » peut conduire à une dépendance. 9

Génétique

Des recherches suggèrent que la susceptibilité à divers types de dépendances, y compris l’addiction au sport, peut être partiellement influencée par la génétique. De nombreuses études ont été réalisées sur le sujet. Je vous partage quelques exemples.10 11 12

Bien sûr, la génétique n’est pas toujours une fatalité ni l’unique explication ; il faut prendre en compte les paramètres environnementaux.

Edwards et al. (2009). « Genetic Influences on Addiction. »

Cette étude 13 examine comment les troubles addictifs sont influencés par des facteurs génétiques et environnementaux, soulignant leur caractère modérément à fortement héréditaire. Elle explore également les techniques de découverte de gènes, telles que l’analyse de liaison, les études d’association de gènes candidats et les tests d’association à l’échelle du génome, qui ont permis d’identifier des gènes influençant l’addiction à l’alcool, à la nicotine et à des substances illicites.

Conséquences de l’Addiction au Sport

Cela peut paraître anodin, car le sport à une image positive dans notre société, mais les risques sont nombreux. On peut citer les troubles alimentaires, les comportements addictifs et la consommation d’alcool. 14

L’étude citée examine le risque de dépendance à l’exercice, de pathologie des troubles alimentaires, de trouble de l’usage d’alcool et de comportements addictifs chez les clients des centres de fitness, offrant un aperçu des comorbidités potentielles.

Sur la Santé Physique

Blessures

L’entraînement excessif augmente le risque de blessures aiguës et chroniques, telles que les fractures de stress, les tendinites et les déchirures musculaires.

Épuisement et Troubles Médicaux

L’addiction au sport peut mener à l’épuisement physique, à des déséquilibres hormonaux, et à des troubles tels que « l’hypothalamic amenorrhea » chez les femmes.

L’aménorrhée hypothalamique (AH) est un trouble fonctionnel caractérisé par l’absence de menstruations due à une perturbation de la sécrétion pulsatile de la gonadotrophine-releasing hormone (GnRH) par l’hypothalamus. Cette perturbation entraîne une diminution de la production des hormones gonadotropes par l’hypophyse (LH et FSH), ce qui affecte à son tour la fonction ovarienne et conduit à l’aménorrhée, c’est-à-dire à l’absence de cycles menstruels.

Une étude intitulée « Osteopenia in Women With Hypothalamic Amenorrhea: A Prospective Study » 15 par B. Biller et al., publiée dans Obstetrics & Gynecology en 1991, examine les conséquences de l’AH sur la santé osseuse. Les femmes atteintes d’AH présentent une densité osseuse significativement plus faible que les femmes normales. Cette étude souligne l’importance de diagnostiquer et de traiter l’AH pour prévenir les effets à long terme sur la santé osseuse.

L’AH est souvent associée à des facteurs de stress physique ou psychologique, tels qu’une perte de poids significative, un faible poids corporel ou la pratique d’exercice physique intense.

Les troubles alimentaires sont parfois en lien avec l’exercice compulsif. 16

Meyer, C., Taranis, L., Goodwin, H., & Haycraft, E. (2011). « Compulsive exercise and eating disorders. » 17

Cet article examine le lien entre l’exercice compulsif et les troubles alimentaires, mettant en lumière la relation entre l’obsession de l’exercice et les comportements alimentaires désordonnés.

Sur la Santé Mentale

Anxiété et Dépression

L’incapacité à s’entraîner peut provoquer des symptômes de sevrage, tels que l’anxiété et la dépression, exacerbant la dépendance.

Obsession et Compulsion

L’obsession de l’exercice et la compulsion à s’entraîner peuvent empiéter sur d’autres aspects de la vie, réduisant la qualité globale de vie et le bien-être mental.

Sur la Vie Sociale et Professionnelle

Relations Détériorées

L’engagement excessif dans l’activité physique peut nuire aux relations personnelles et familiales, conduisant à l’isolement social.

Performance Professionnelle

L’addiction peut également affecter la performance professionnelle ou académique, avec des absences fréquentes ou une attention réduite due à la fatigue ou à la priorisation de l’entraînement.

Gérer l’Addiction au Sport

La gestion de l’addiction au sport nécessite une approche multidimensionnelle qui tient compte des aspects psychologiques, physiques et sociaux. Voici des stratégies avec des références bibliographiques pour approfondir le sujet. Cela peut se comparer dans certains cas à une ascension abrupte vers les sommets.

Reconnaissance et Acceptation

La première étape pour gérer l’addiction au sport est de reconnaître le problème et d’accepter la nécessité d’un changement. Cela peut nécessiter une introspection profonde ou le feed-back de proches et de professionnels de la santé.

L’étude « Running addiction: A depth interview examination » 18 explore les expériences de coureurs qui pourraient être qualifiés d’addicts, mettant en lumière la reconnaissance personnelle de leur addiction.

Fixation de Limites Saines

Établir des limites claires autour de l’activité physique est crucial. Cela peut inclure la définition de durées d’entraînement maximales, la prise de jours de repos obligatoires et la diversification des types d’activités physiques.

De façon générale, c’est indispensable pour progresser et ne pas se blesser. Que ce soit pour préparer un objectif ou se maintenir en forme.

Young, S. J., & Medic, N. (2011). « Examining social influences on the sport commitment of masters swimmers. » 19

Cette recherche met en évidence l’importance du soutien social et de la modération dans le maintien d’un engagement sain envers le sport.

Diversification des Intérêts

Encourager la diversification des intérêts et des activités peut aider à réduire la dépendance à l’exercice. Cela peut inclure des loisirs non physiques ou des activités sociales qui offrent satisfaction et épanouissement. Il est essentiel de pratiquer des activités complémentaires. « Au-delà du Vélo : Révolutionnez Votre Entraînement avec des Activités complémentaires »,

Smolak, L., Murnen, S. K., & Ruble, A. E. (2000). « Female athletes and eating problems: A meta-analysis. » 20

Cette méta-analyse souligne les risques de troubles alimentaires chez les athlètes féminines et l’importance de la diversification des sources d’estime de soi et d’identité.

Art martial

Soutien Professionnel

Dans de nombreux cas, l’intervention d’un professionnel de santé (addictologue, psychologue, psychiatre, etc.) ou d’un spécialiste du comportement est nécessaire pour surmonter l’addiction au sport. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est souvent efficace pour traiter les comportements addictifs. 1

Il y a de nombreux moyens d’évaluer l’addiction au sport et de la mesurer.

« How much is too much? The development and validation of the Exercise Dependence Scale. » 21

Cette publication présente le développement et la validation de l’Échelle de Dépendance à l’Exercice, un outil clé pour diagnostiquer l’addiction au sport, et discute des implications pour la santé et le bien-être.

Mónok, et al. (2012). Psychometric properties and concurrent validity of two exercise addiction measures: A population wide study. 22

Cette étude évalue les propriétés psychométriques et la validité concurrente de deux mesures de l’addiction à l’exercice, offrant une perspective comparative sur les outils d’évaluation de ce trouble.

Éducation et Prévention

L’éducation sur les risques de l’addiction au sport et les stratégies de prévention peut jouer un rôle clé, non seulement pour les individus à risque, mais aussi pour les entraîneurs, les familles et les communautés sportives.

Bamber, D., Cockerill, I. M., Rodgers, S., & Carroll, D. (2000). « It’s exercise or nothing: A qualitative analysis of exercise dependence. » 23

Cette étude qualitative examine la dépendance à l’exercice et souligne l’importance de l’éducation et de la prévention pour gérer ce comportement.

Malheureusement, il n’y a pas que les adultes qui sont victimes d’addiction au sport. Une étude de 2018 a validé une échelle d’évaluation pour les adolescents et jeunes adultes. 24

Il est important de souligner que chaque individu est unique, et les stratégies de gestion doivent être adaptées à ses besoins spécifiques.

Conclusion

L’addiction au sport, bien que moins médiatisée que d’autres formes de dépendance, représente un enjeu significatif pour la santé physique et mentale. Comprendre les signes, les causes sous-jacentes et les conséquences de cette addiction est crucial pour identifier et aider ceux qui en souffrent.

Prison

As-tu été témoin des effets de l’addiction au sport, que ce soit personnellement ou dans ton entourage ?? Partage tes réflexions, expériences et suggestions en commentaire 😊


Annexes bibliographiques

  1. Hausenblas, Heather & Downs, Danielle. (2002). Exercise dependence: A systematic review. Psychology of Sport and Exercise. 3. 89-123. 10.1016/S1469-0292(00)00015-7 ↩︎
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  9. Koob, G., & Volkow, N. (2010). Neurocircuitry of Addiction. Neuropsychopharmacology, 35, 217-238. https://doi.org/10.1038/npp.2009.110. ↩︎
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  22. Mónok, K., Berczik, K., Urbán, R., Szabo, A., Griffiths, M. D., Farkas, J., Magi, A., Eisinger, A., Kurimay, T., Kökönyei, G., Kun, B., Paksi, B., & Demetrovics, Z. (2012). Psychometric properties and concurrent validity of two exercise addiction measures: A population wide study. Psychology of Sport and Exercise, 13(6), 739–746. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2012.06.003 ↩︎
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  24. Lichtenstein, Mia & Griffiths, Mark & Hemmingsen, Simone & Støving, René. (2018). Exercise addiction in adolescents and emerging adults – Validation of a youth version of the Exercise Addiction Inventory. Journal of Behavioral Addictions. 7. 1-9. 10.1556/2006.7.2018.01. ↩︎

10- Cette recherche se concentre sur les approches récentes pour étudier la variation génétique dans les traits de personnalité et physiologiques, tels que l’impulsivité, la prise de risque et la réactivité au stress, et leur influence sur et interaction avec les maladies addictives

11- Cet article passe en revue les découvertes récentes de loci génétiques affectant la susceptibilité à l’addiction à diverses substances, y compris l’alcool et, plus récemment, le tabac. Il vise à non seulement répliquer ces découvertes dans des échantillons indépendants, mais aussi à déterminer les mécanismes fonctionnels de ces gènes et variantes.

12- Cette méta-analyse vise à interpréter la susceptibilité génétique à l’addiction aux drogues à travers l’analyse de données issues de 212 publications sur des études d’association de gènes candidats et de 5 rapports d’études d’association à l’échelle du génome, liant un total de 843 haplotypes à la susceptibilité à l’addiction.

Fichiers des études

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9 réponses sur “Quand la Passion Devient Obsession : Comprendre et Gérer l’Addiction au Sport.”

  1. J’ai vécu une période où je faisais du vélo tous les jours pour tous mes déplacements, c’était même une sorte d’addiction. Nous avons même passé nos vacances en famille à vélo pendant deux années consécutives.

    1. Merci pour ton retour 🙂
      Je n’ai jamais fais de vélo pour tous mes déplacements. Je suis un peu limité par la limite de poids autorisé par mon vélo, son manque total d’accesoires utilisables (panier etc…) et sa valeur qui ne me permet pas de le laisser sereinement.
      Mais c’est une pratique hyper intéressante. Je ferai du vélo « utiliraire » un jour, je trouve ça super.

  2. Merci pour ton article très détaillé et très bien expliqué !
    J ai découvert un nouveau mot, la bigorexie, je ne connaissais pas du tout.

    1. Merci beaucoup Ch 🙂
      Content d’avoir pu t’apprendre un petit quelque chose 😉
      Un mot idéal pour briller en société lors d’un diner et parfait pour le Scrabble 😀

  3. Merci beaucoup pour cet article complet et inspirant. Je vous remercie également d’avoir mis en lumière la bigorexie qui est peu connue par le public. Vos conseils sont très pertinents 🙂

  4. Merci pour cet article complet et ton témoignage transparent ! 🙂 Étant en pleine réfléxion sur mon alimentation en ce moment, je me rends compte comme il est facile de tomber dans ces addictions a priori saines mais qui peuvent devenir un enfer ! Donc, c’est comme pour toutes les choses bonnes ou moins bonnes pour la santé, restons modérés et équilibrés ! 🙂

    1. Merci pour ce retour! 🙂
      C’est la dose et la fréquence qui fait le poison. Y compris pour les bonnes choses. L’eau peut tuer avec la potomanie!
      J’ai été confronté à la même chose avec l’alimentation avant de me rendre compte que ça pouvait mal finir.
      C’est un super message! Modération et équilibre; il faut un peu de tout dans des quantités appropriés en fonction des catégories.

  5. Merci pour ton témoignage. En effet, on dit bien le mieux est l’ennemi du bien. Avec le sport, on peut toujours chercher la performance et ressentir à nouveau la sensation de dépassement de soi. Comme beaucoup de chose, le cerveau s’habitue à une situation et ce qui était une difficulté par le passé devient une situation commune.
    La vigilance reste importante même si au final cela ne doit pas se substituer au plaisir de faire son activité.

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